Marcher. Marcher. Et encore marcher. Il n’avait l’impression de faire que ça, depuis des heures. Il était arrivé tel un naufragé sur cette plage, où sa barque était venue s’échouer. Il ne savait même pas s’il était actuellement loin de Greenport, mais en ayant jeté un coup d’œil à l’horizon, il n’avait pu voir que de l’eau. De l’eau, encore de l’eau et toujours de l’eau. D’ailleurs, ça lui avait donné soif pour le coup. Il avait fouillé dans les tréfonds de son ridicule sac de voyage pour en sortir une bouteille d’Ice-tea à moitié vide. A croire que sa sœur s’était vraiment foutue de sa gueule. Elle croyait qu’il roulait sur l’or ou quoi ? Déjà qu’il payait plus de la moitié du loyer, pour lui, acheter une bouteille de thé glacé c’était presque comme devoir hypothéquer leur baraque. Bon peut-être pas, mais vous saisissez à peu près le truc.
Il avait donc bu une petite gorgée – fallait pas tout vider maintenant quand même – puis s’était mis à avancer sur le sable, dans une direction qui l’amènerait dieu seul sait où.

Il était donc en train de marcher, ses chaussures s’enfonçant un peu plus dans ce fichu sable à chaque pas qu’il faisait. C’était fatigant, épuisant et il régnait sur cette île une chaleur étouffante. Son sac lui donnait l’impression de peser des tonnes (pas étonnant avec ce vieux portable à l’intérieur) et de le faire s'enfoncer un peu plus dans le sable. Il était pas mouvant quand même ? Peut-être que si remarque, au bout d’un moment, il n’arrivait même plus à savoir s’il avançait encore où s’il faisait du surplace.

C’est après quelques mètres de plus que Laean aperçut enfin ce qui ressemblait, de loin, à des ruines, avec des vieux tas de pierre s’élevant vers le ciel. Bon, preuve qu’il y avait déjà eu quelqu’un sur cette maudite île. Parce que franchement, il n’avait croisé personne pour l’instant, et ça foutait un peu les jetons.
Il parcourut encore quelques mètres pour enfin arriver devant ces gravats, qui, pour certains, fumaient doucement au soleil. A vrai dire, ce lieu désert qui semblait avoir été habité ne présageait pour autant rien de bon. Vous avez pas vu Pirates des Caraïbes ? Avec ces saloperies de cannibales. Non mais sérieusement, ça allait pas lui arriver quand même, pas à lui ?

Laean s’approcha d’un tas de cailloux, soufflant comme un bœuf, épuisé d’avoir marché aussi longtemps. Bon en fait, s’il avait regardé sa montre-toaster-congélo, il aurait su que ça faisait à peine vingt minutes, mais c’est tout pareil. Il s’y assit lourdement, non sans lâcher un râle de douleur, heureux de poser son derrière sur quelque chose, mais un peu moins que ça soit brûlant. Le soleil tapait un peu fort certes, mais de là à chauffer les pierres ?
Le garçon ferma les yeux quelques instants, tirant une atroce grimace pour détendre son visage, baigné de rayons lumineux. Sympa comme vision hein ? Par contre la sienne le fut moins quand en les rouvrant et en parcourant un peu le lieu du regard il remarqua un tas de cadavres, lui aussi fumant, à trois pas de son amas de rochers.

Il recula sur son caillou et se boucha instinctivement le nez, s’attendant aux douces effluves cadavériques, renforcées par la macération au soleil. (Y a vraiment des gens qui peuvent bosser avec ce genre d’odeurs ?) Mais étonnamment, rien ne parvint à ses narines. Du genre, rien du tout. Même pas une odeur de putréfaction, ou de chaud, ou même celle du vomi qu’il avait lâché sur sa gauche après avoir vu les cadavres. Rien. What the actual fuck.

Laean cligna des yeux à plusieurs reprises avant de se mettre à paniquer intérieurement. Ca y est, il avait perdu l’odorat. Tous ces mélanges étaient tellement violents pour ses narines qu’elles refusaient désormais de communiquer avec son cerveau. Après sa fichue piqûre de moustique – qu’il avait par ailleurs inconsciemment grattée tout au long de son périple – voilà que son cerveau lui jouait des tours ! Tu parles d’une plaie !

Il se décida enfin à bouger de son rocher après quelques minutes d’intense réflexion – ou plutôt de massage de tempes – histoire de s’éloigner un peu de toutes ces horreurs et de continuer à explorer les ruines. Y avait des cadavres, mais y avait peut-être d’autres trucs intéressants, qui sait.
Son regard se posait désormais presque indifféremment sur les différentes piles de corps sans vie jonchant les environs, après tout ils faisaient partie du paysage et ils ne puaient pas, c’était déjà ça.

Il repéra au loin un truc un peu doré qui brillait et reflétait la lumière du soleil. Ah, voilà quelque chose d’intéressant. Il n’était pas cupide, mais un petit truc sympa glissé dans la poche, il n’aurait pas dit non pour autant. S’approchant de la chose sans prendre plus de précautions que cela, il manqua de se prendre les pieds dans un petit tas de gravats. A croire qu’ils aimaient ça les cailloux par ici. Ce n'est que lorsqu’il se baissa pour extraire l’objet de sous quelques décombres qu’il entendit le bruit de quelque chose se déplaçant à proximité. Quelque chose, ou peut-être, quelqu’un ?